François-René Panhard, d’origine bretonne, était venu à Paris, vers 1800, pour être artisan sellier, puis carrossier ; son fils, Adrien Panhard, reprit l’affaire et se tourna vers le commerce et la location de voitures, où il fit fortune. En 1867, le fils aîné d’Adrien, René, ancien élève de l’Ecole Centrale, s’associa à Jean-Louis Périn, fabricant de machines à bois, avant de s’installer, cinq ans plus tard, avenue d’Ivry et de faire venir un troisième associé, son camarade de promotion, Emile Levassor. A côté des machines à bois, l’entreprise commença, en 1876, à fabriquer des moteurs à gaz sous licence Otto et Langen, puis, dix ans plus tard, des moteurs à pétrole sous licence Daimler. Ces moteurs « statiques », l’entreprise devenue Panhard et Levassor à la mort de Périn décida, en 1889/90, de les monter sur des véhicules « sans chevaux ». Une succession réussie de mises au point difficiles et d’essais sur route décida René Panhard et Emile Levassor à commencer la fabrication et la vente des premières automobiles de série au monde en octobre 1891.
La marque doyenne remporta alors les plus brillants succès dans les courses automobiles, notamment Paris-Bordeaux-Paris en 1895 et elle fut encore en 1900, le plus important constructeur et exportateur au monde. Après la mort de Levassor en 1897, René Panhard ouvrit le capital de sa société et il en confia la direction à Arthur Krebs. Ce dernier, à la tête de l’affaire jusqu’en 1915, en conforta la réputation de qualité et de sérieux, l’assise financière, et la position de ses modèles haut de gamme, notamment avec le choix des moteurs sans soupapes qui allaient équiper toutes les voitures de la marque jusqu’en 1939. Au départ de Krebs, c’est Paul Panhard, neveu de René, qui prit le commandement.
A partir de 1919, après la guerre durant laquelle la société concourut très activement à l’effort demandé aux industries modernes, la maison de l’avenue d’Ivry préféra maintenir les traditions qui avaient, jusque-là, assuré ses succès : production limitée à une dizaine de voitures par jour, « voitures de luxe et de sport » souvent carrossées à l’extérieur, moteurs sans soupapes ; elle y ajouta la production de camions essence, diesel ou gazogènes, de moteurs pour autorail ou pour avions, et de quelques véhicules blindés légers pour l’Armée, tout en conservant la fabrication des machines à bois. Ce faisant, elle n’opérait pas le grand tournant vers des voitures plus populaires, permettant une production de série, comme le faisaient ses trois concurrents, Renault, Citroën et Peugeot, qui allaient, dès 1930, représenter les trois-quarts des voitures de tourisme produites en France.
Dans les années 20, les Panhard étaient équipées de moteurs 4, 6 et 8 cylindres de 10 à 35 CV ; les années 30 verront l’arrivée des 6-CS, 6-DS et 8-DS, à 6 et 8 cylindres de 13 à 29 CV, puis, en 1933, de la « Panoramique » et enfin, en 1936, de la « Dynamic », préparées par les deux responsables des Etudes, Louis Delagarde pour la mécanique et Louis Bionier pour la carrosserie. La marque ajoutait à ces belles voitures la conquête de records du monde sur circuit fermé, avec des engins conduits par Eyston ou par Ortmans.
Mais les conséquences de la crise mondiale qui touchait la France à partir de 1932 et l’aggravation des charges en 1936 s’abattirent lourdement sur Panhard et Levassor. Après une grève qui, en novembre 1936, faillit lui être fatale, la société dû se limiter à un nouveau cadre stratégique où les marchés de l’Etat (automitrailleuse, camions militaires, autobus pour les régies de transport à Paris ou en province, moteurs pour la S.N.C.F.) assuraient l’essentiel de ses activités, tandis que la production des voitures de tourisme se limitait à trois par jour environ.
Les atouts de la vieille maison de l’avenue d’Ivry restaient considérables : une main-d’œuvre nombreuse et de qualité, des moyens industriels importants à Paris, Reims et Orléans, un noyau de clients fidèles, une forte image de marque, l’arrivée, en 1937, de Jean Panhard, jeune polytechnicien, auprès de son père Paul. C’est cependant dans des conditions assez difficiles que Panhard et Levassor allait devoir aborder l’épreuve de la seconde guerre mondiale.